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Consécrations épiscopales

Le débat sur l'épiscopat continue, ou : la “Thèse-Belmont” revue et corrigée

 Par Monsieur l'abbé Francesco Ricossa

Note : cet article a été publié dans la revue Sodalitium n°44

Alors que j’écris ces lignes (juin 1997), le n° 46 de Sodalitium (n° 44 de l’édition française) contenant la réponse à l’article de l’abbé Belmont (B.), Les filles de Lot, n’a même pas encore été imprimé, que déjà j’ai reçu la réponse de B., intitulée : Un abîme infranchissable : l’épiscopat autonome (Les deux étendards, n° 4, pp. 37-42, avec en annexe, pp. 42-44, la Réponse au sujet de l’attitude pratique... commentée précédemment). Le motif de cette rapidité consiste en deux actes de correction et de loyauté réciproques échangés entre B. et l’abbé Ricossa (R.): B. a reçu en avant-première, à peine rédigée, mon étude, et pareillement il m’a envoyé la sienne, avec une lettre du 17 juin dernier. Il est donc possible que les lecteurs des Deux étendards lisent la réponse de B. à une étude, la mienne, qui n’a pas encore été publiée. Après ce préambule, passons au cœur du problème : à quel point en est le débat sur l’épiscopat qui, finalement, est devenu aussi un peu un dialogue (même “sévère”, cf. B., p. 37), sur l’épiscopat ?

 

A mon avis, le débat a fait un pas en avant et un pas en arrière : un pas en avant, parce que désormais B. Et moi-même sommes presque totalement d’accord en ce qui concerne les prémisses (la doctrine catholique sur l’épiscopat); un pas en arrière, parce que, malgré cet accord de fond, B. réitère son total désaccord, quant aux conclusions pratiques, et sa condamnation inconditionnelle des consécrations épiscopales durant la vacance formelle du Siège apostolique. Dans cet article j’examinerai d’abord les circonstances qui ont amené B. à nos positions de principe, et ensuite l’incohérence qui le fait persister dans une conclusion qui n’est plus soutenable doctrinalement.

 

Comment admettre une erreur sans que le lecteur ne s’en rende compte

Quant au premier point, il est nécessaire de préciser au lecteur des Deux étendards, qui peut-être ne s’en sera pas aperçu, que B. a donné raison à Sodalitium sur ce qui, jusqu’à maintenant, était le point central de la thèse de B. et de la critique de R., c’est-à-dire l’origine de la juridiction épiscopale. B. soutenait que la juridiction épiscopale venait de la consécration épiscopale, R. Le niait, affirmant qu’elle venait seulement du Pape. De sa thèse, B. tirait une conclusion : “il y a équivalence (implication réciproque) entre épiscopat et juridiction (....). Qu’on le veuille ou non, un sacre épiscopal est donc l’instauration d’une hiérarchie ; et si ce sacre n’est pas effectué par ordre pontifical, il est la création d’une nouvelle hiérarchie, autre que celle de l’Église catholique” (1). R. niait la thèse, et niait donc aussi la conclusion : la consécration épiscopale (durant la vacance formelle du Siège apostolique) n’implique pas l’usurpation du pouvoir de juridiction.

 

Maintenant, B. admet s’être trompé.

 

Il l’admet, mais cherche à faire en sorte que le lecteur ne s’en aperçoive pas (2).

 

Comment faire ?

 

Trois méthodes ont été utilisées.

 

La première : la plaisanterie (3): “La critique de Sodalitium est sévère. Notre exposé sur la nature de l’épiscopat y est qualifié de marqué par le gallicanisme et d’issu de l’enseignement de Vatican II. Aïe, aïe, aïe !” (p. 37, § 2). En vain le lecteur essaiera-t-il de savoir de B., dans la suite de l’article, si des accusations apparemment aussi farfelues étaient fondées ou non. Il ne lui restera seulement à l’esprit qu’elles étaient farfelues (4).

 

La deuxième : faire allusion à d’inexistantes (du moins pour ce qui concerne notre sujet) difficultés de langage (cela servira à justifier les “erreurs de langage” dont il s’excusera ensuite). “La difficulté de traiter ces questions est grande, au moins pour trois raisons. La première est une différence dans la nomenclature des pouvoirs de l’Église : le Magistère, conformément à l’Évangile, distingue trois pouvoirs : enseignement (ou Magistère), sanctification (ou Ordre) et gouvernement (ou Juridiction); le Droit Canon, se plaçant sur le plan pratique, et à sa suite quelques théologiens comme Journet, n’en distinguent que deux: Ordre et Juridiction. Il faut donc toujours prendre garde à la compréhension et à l’extension des mots qu’on emploie, surtout si l’on passe de l’un à l’autre, sous peine de bâtir un puzzle mal ajusté. D’autant plus que, quelle que soit la nomenclature adoptée, la juridiction se dit de manière analogique dans les différents domaines où elle s’applique...” (p. 37, § 3). Tout cela est correct, comme d’ailleurs sont corrects les deux paragraphes suivants de l’écrit de B. (5). Mais tout ceci n’influe pas sur la question débattue entre B. et R., c’est-à-dire l’origine de la juridiction de l’Évêque. B. écrit : “Ces difficultés font que nombre de théologiens glissent rapidement sur la question de l’épiscopat [c’est vrai] (...) distinguant mal, dans la dignité et les pouvoirs des évêques, ce qui provient de cette juridiction et ce qui provient de leur consécration épiscopale” (p. 37, § 6). Cette dernière affirmation n’est pas exacte : concernant l’origine de la juridiction, R. a démontré que c’est une question classique de la théologie ; que si certains n’en parlent pas, tous ceux qui en parlent le font avec clarté, en précisant les termes de cette matière de telle façon que l’équivoque n’est pas possible. Il aurait suffi à B. De consulter un auteur qu’il aime citer, le P. Billuart, pour éviter son erreur. En effet Billuart écrit que “leur autorité [celle des évêques] vient immédiatement de Dieu quant à l’Ordre, mais seulement d’un façon médiate quant à la juridiction” (Summa Summæ, vol. 3, pp. 366-367). En tout cas, pour revenir à la difficulté soulevée par B. s’il est vrai que les théologiens et les canonistes ne sont pas d’accord dans le fait de savoir si le magistère et le gouvernement sont deux pouvoirs spécifiquement distincts, ce doute ne subsiste pas pour l’ordre et la juridiction (et le pouvoir de magistère ne vient certes pas de celui d’ordre, comme le soutinrent les protestants et, partiellement, Scheeben).

 

La troisième : après ces préambules qui ont embrouillé les idées du lecteur au lieu de les éclaircir, B. Peut admettre s’être trompé, mais seulement dans la manière de s’exprimer : il a écrit la réponse à R. (en citant, comme nous le verrons, le P. Héris) “autant pour corriger quelques imprécisions ou erreurs de langage dont nous nous sommes rendu coupable...”, après quoi on fait disparaître la mauvaise impression de cette admission en ajoutant : “...que pour montrer que notre exposé de l’épiscopat est tout à fait classique, et thomiste, et incontestable...” (p. 37, § 6, p. 38, § 1).

 

Si le lecteur veut savoir de quelle “erreur de langage” s’est “rendu coupable” B., il devra lire... une note (la note 4): “la principale [imprécision ou erreur de langage] est à la page 23 § 1, où nous avons écrit : ‘L’évêque [...] exerce une juridiction, dont les déterminations et l’application appartiennent au Pape’. Notre manière de nous exprimer est fautive ; nous aurions dû écrire : ‘l’évêque appelle une juridiction, dont l’existence, l’application et les déterminations appartiennent au Pape’. Nous remercions M. l’Abbé Ricossa de nous avoir fourni l’occasion de cette correction”. Nous sommes parfaitement d’accord avec la proposition revue et corrigée par B., d’autant plus que, tout au long de notre article Digitus Dei non est hic, nous nous sommes opposés à la première, formulation erronée (formulation que, soit dit en passant, B. Répète substantiellement plusieurs fois dans son article Les filles de Lot, et qui n’était donc pas une méprise). Mais peut-être le lecteur ne s’est-il pas rendu compte que dans cette notule B. a rétracté presque tout ce qu’il soutenait dans son article précédent, et a approuvé le cœur du raisonnement de R. dans sa réponse ! B. Admet maintenant que la consécration épiscopale “appelle” seulement la juridiction (chose que R. Admettait sans difficulté), et que la juridiction de l’évêque n’existe pas en vertu de la consécration, mais en vertu du Pape (“une juridiction dont l’existence...” appartient “au Pape”). Certes, B. a donné bien peu de relief à un changement de perspective aussi important ; il n’a pas corrigé “une erreur de langage” mais plutôt “une erreur” tout court, condamnée à plusieurs reprises par le magistère ordinaire de l’Église...

 

Dans mon article j’avais écrit concernant la thèse de B. que, même si c’est en sourdine, il renie lui-même maintenant, qu’elle était “la poutre maîtresse de sa position : si elle régit cette thèse, elle soutient toute la construction ; si elle s’avère fausse, tout le reste s’écroule misérablement”. La poutre maîtresse, grâce à Dieu, n’a pas tenu ; mais l’édifice de la thèse de B. ne veut pas s’écrouler. Peut-être y aura-t-il une autre poutre maîtresse ? C’est cela le point de désaccord qui subsiste entre B. et moi.

 

Comment s’obstiner sur une conclusion fausse, quand il est admis que les prémisses étaient erronées

Nous avons démontré, B. Lui-même l’admet, que les prémisses de son raisonnement étaient fausses : la consécration épiscopale n’implique aucune juridiction dans l’évêque, et ne crée donc pas, par elle-même, une hiérarchie parallèle. Mais B. ne veut pas admettre que sa conclusion (si drastique : jusqu’à interdire d’assister aux Messes célébrées par des prêtres ordonnés par des évêques consacrés durant la vacance du Siège apostolique) soit fausse ; il écrit même : “nous maintenons donc intégralement le jugement que nous avons exprimé dans la livraison précédente des Deux Étendards, tant du point de vue doctrinal que du point de vue prudentiel” (6). Comment peut-il maintenir - intégralement - un jugement, si celui-ci était fondé sur une grave erreur ?

 

Le Père Héris o.p.

B. croit pouvoir répondre en invoquant à son secours le Père Héris o.p.: sur cinq pages et demi de “Un abîme infranchissable...”, plus de trois sont composées d’une longue citation de ce Père dominicain.

 

Mais le P. Héris secourt-il vraiment la cause perdue de B.? Je pense véritablement que non. Même, si nous avions connu ces pages avant, j’aurais sans doute cité le Père Héris à l’appui de ma thèse, et B. n’aurait pas soutenu la sienne. Il suffit de lire le dernier paragraphe de la p. 40: “[...] Il n’en reste pas moins vrai que le pouvoir de juridiction de l’évêque, auquel il faut joindre son pouvoir d’enseignement, se trouve tout à fait distinct de son pouvoir d’ordre. Certes, ce dernier, en conférant à l’évêque une dignité royale, en le faisant prince de l’Église, crée en lui une aptitude radicale à gouverner et à enseigner le peuple chrétien. Mais parce que ce gouvernement et cet enseignement n’ont de véritable valeur et de réelle efficacité que dans la mesure où les évêques sont unis au Souverain Pontife, c’est au Pape, et à lui seul, qu’il appartient de conférer à l’évêque le pouvoir de juridiction. Ce pouvoir n’est pas en dépendance essentiel du pouvoir hiérarchique : l’évêque le possède dès qu’il est institué par l’autorité suprême à la tête d’un diocèse et avant même d’être consacré ; il le perd même après sa consécration, dès qu’il lui arrive de se séparer du Pontife romain, de tomber dans le schisme. Car autre chose est d’enseigner, de légiférer, de juger le peuple chrétien ; et autre chose d’avoir prise sur la constitution même du culte divin et sur les fonctions essentielles du culte. Le premier rôle relève du pouvoir de juridiction donné par le Christ à Pierre et aux Apôtres et transmis, par voie d’authentique succession, au Pape et aux évêques. Le second rôle fait appel à un pouvoir hiérarchique conféré par voie de consécration, et intimement lié à cette autre consécration qu’est le caractère sacerdotal. Le Pape et les évêques ne sont pas de simples docteurs ni de simples législateurs ou juges : ils sont aussi des consacrés hiérarchiquement et sacerdotalement. Mais tandis que le Pape est supérieur aux évêques sous le rapport de la juridiction, il leur est égal au point de vue de la consécration hiérarchique ; et tandis que Pape et évêques l’emportent sur le simple prêtre tant par leur juridiction que par leur pouvoir hiérarchique, ils ne sont d’aucune manière au-dessus d’eux en ce qui regarde l’objet propre de leur pouvoir sacerdotal, la consécration eucharistique”.

 

En quoi, donc, le Père Héris appuierait la thèse (revue et corrigée) (7) de B.? Commentant la thèse thomiste sur la non sacramentalité de l’épiscopat (8) fondée sur l’autre fondement de la théologie sacramentelle thomiste (tous les sacrements sont ordonnés à l’eucharistie ; quant à la consécration de l’eucharistie, évêque et prêtre ont les mêmes pouvoirs) il souligne que l’épiscopat est, déjà par la consécration, un pouvoir hiérarchique. “Par la consécration épiscopale l’évêque est donc établi véritablement chef du corps mystique et des membres du culte chrétien. Et dès lors il a l’autorité requise pour agir sur ces membres et les instituer dans les fonctions officielles se rapportant au culte. Il peut nommer les défenseurs de la religion du Christ, il peut choisir ses ministres et ses prêtres. Sans aucun doute, c’est en vertu de son caractère sacerdotal qu’il les consacrera et leur donnera sacramentellement les pouvoirs afférant à leur charge ; mais il faudra auparavant que le caractère ait été élevé de telle sorte qu’il soit un caractère de chef et de prince de l’Église. C’est la consécration épiscopale qui réalise cette élévation. Ainsi la royauté du Christ élève-telle son sacerdoce au point de lui permettre d’en exercer les actes avec une autonomie et une maîtrise parfaites”. En somme, le P. Héris soutient que l’évêque consacré est investi “d’une dignité qui l’ordonne directement à la régence du corps mystique”, il a “un pouvoir hiérarchique, une dignité de régence de premier ordre”, il a “une dignité royale”, il est “prince de l’Église”, la consécration “crée en lui une aptitude radicale à gouverner et enseigner le peuple chrétien”. Il nous semble avoir suffisamment exposé ce que le P. Héris dit apparemment en faveur de la thèse (revue et corrigée) de B.

 

Eh bien, avant tout, je déclare que je n’ai aucune difficulté à admettre de nouveau (9) ce qui est dit plus haut : la consécration épiscopale place l’évêque consacré au sommet de la hiérarchie d’ordre (le P. Héris le rappelle de manière continue, et je l’ai signalé : voir au-dessus la citation de la p. 40, § 4) composée d’évêques, de prêtres et de ministres (10). Seulement, ces vérités ne légitiment pas les conclusions que B. En tire à la p. 41 § 2.

 

La nouvelle formulation de la thèse de B.

Après trois pages du P. Héris, B. Expose sa thèse en cinq lignes ; je vais les citer (sans pouvoir m’empêcher d’y glisser déjà quelque commentaire entre crochets) : “cette longue citation [du P. Héris] affirme bien la nature essentiellement hiérarchique du pouvoir épiscopal, tel qu’il est donné par la consécration elle-même [ratione ordinis, concedo; ratione jurisdictionis, nego]: c’est une régence sur le corps mystique, c’est un pouvoir princier [Héris distingue : ‘on divise d’ordinaire le pouvoir de régence de l’évêque en pouvoir d’ordre et en pouvoir de juridiction...’] (11). La juridiction en est distincte, et ne peut venir que du Pape [c’est ce que B. niait et maintenant, Dieu merci, admet] mais elle en est un complément intrinsèque puisqu’elle est nécessaire à l’exercice du pouvoir principal de l’évêque, de ce pouvoir de régence”.

 

Dans les mots que j’ai imprimés en caractère gras réside le nouveau sophisme de B. (à défaut du précédent). Anticipant la conclusion, il consiste à faire rentrer par la fenêtre l’erreur qu’il vient de chasser par la porte ! Cependant, la chose n’est pas aussi facile à saisir par le lecteur, parce que B., dans la phrase qui vient d’être citée, ne fait pas les distinctions opportunes, créant une grande confusion (il suffit de dire qu’il parle du pouvoir de régence sans rappeler et se rappeler que le Père Héris le divise, lui aussi, en pouvoir de juridiction et d’ordre). Avant de procéder à nouveau, donc, à la réfutation de l’argument de B. (revu et corrigé), je suis obligé de préciser les termes. Dans ce cas, il faut admettre que les difficultés de langage et autres que B. énumère p. 37, §§ 3-6 sont bien réelles, et on peut comprendre facilement qu’une erreur puisse se produire à ce sujet.

 

Précision des termes

Je présente au lecteur un schéma qui reproduit ce qu’écrivent de bons auteurs, déjà cités dans Digitus Dei, parmi lesquels Zubizarreta et, surtout, Zapelena. Ce schéma correspond substantiellement à ce qu’écrit le P. Héris.

En se référant à ce schéma, il est facile de répondre à l’instance de B.

 

Exemples


1) L’évêque est sacré. Il a la plénitude du sacerdoce; il peut ordonner et confirmer.
2) De plus, par le sacre même, il est destiné normalement (mais pas nécessairement) à gouverner un diocèse.
3) Il a reçu du Pape un diocèse, mais un empêchement ne lui permet pas de gouverner (licitement).
4) Il a reçu du Pape un diocèse, et rien ne l’empêche de gouverner.
5) Il gouverne de fait son diocèse.

 

Réponse à l’instance de B.

B. écrit (je le rappelle): “la juridiction en est distincte [de la régence sur le corps mystique donnée par la consécration] et ne peut venir que du Pape, mais elle en est un complément intrinsèque (12) puisqu’elle est nécessaire à l’exercice du pouvoir principal de l’évêque, de ce pouvoir de régence” (p. 41, § 2). C’est dans ce “mais” que se trouve, à mon avis, la nouvelle erreur de B.

 

Fondamentalement, j’ai déjà répondu à cette objection dans Digitus Dei..., à la note 48. Il s’agit, maintenant, de préciser.

 

A) L’essence de l’épiscopat.

 

B. n’affirme plus que la juridiction (actuelle) est l’essence de l’épiscopat : toutefois il croit encore que la (“nouvelle”) essence de l’épiscopat (la “régence sur le corps mystique”) est “complétée intrinsèquement” par la juridiction. Voyons ce qu’il en est.

 

Le P. Zapelena, nous l’avons vu (13), écrit : “L’essence de l’épiscopat réside dans le pouvoir d’ordre, autrement dit dans la plénitude du sacerdoce, et de là dérive la disposition prochaine et l’exigence de la juridiction épiscopale. La juridiction actuelle réalise cette exigence et perfectionne ainsi l’épiscopat”. La consécration épiscopale confère, donc, à l’évêque sacré l’essence de l’épiscopat. Cette essence appartient au pouvoir d’ordre et consiste dans la plénitude du sacerdoce, qui donne surtout à l’évêque, d’une façon stable et ineffaçable (14), le pouvoir d’ordonner des prêtres et de confirmer.

 

Par cela, l’évêque est au sommet de la hiérarchie, mais seulement ratione ordinis, quant à l’ordre sacré. De cette hiérarchie font partie aussi les prêtres et les autres ministres sacrés (D. 966), qui n’appartiennent pas, de droit divin, à la hiérarchie ratione jurisdictionis, quant à la juridiction. C’est le propre de l’ordre sacré, à tous ses échelons (ministres, prêtres, évêques), d’être une hiérarchie : car c’est bien ce que signifie le mot même d’“ordre”: une différence de degrés, une hiérarchie... Il n’y a encore là aucune attribution d’un pouvoir quelconque étranger au pouvoir d’ordre, quoi qu’on pense de la sacramentalité de l’épiscopat.

 

Les auteurs qui nient la sacramentalité de l’épiscopat, insistent, à la suite de Saint Thomas, pour affirmer que l’épiscopat est alors “une extension ou un complément intrinsèque” du sacrement de l’ordre (15) sans être un sacrement qui confère un nouveau caractère. Cette expression “complément intrinsèque” a dû rester dans l’esprit de B., puisqu’il écrit maintenant dans sa thèse (revue et corrigée) que la juridiction est un complément intrinsèque de la régence sur le corps mystique reçue par l’évêque dans le sacre (cf. p. 41, § 2). Nous verrons par la suite que cela n’est pas. Pour l’instant, bornons-nous à remarquer que ce “complément intrinsèque” dont parlent les négateurs de la sacramentalité de l’épiscopat n’a rien à voir avec la “juridiction complément intrinsèque de la régence du corps mystique” dont parle maintenant B.: les objets sont, en effet, divers : (sacrement de l’ordre, épiscopat/régence du corps mystique, juridiction). Peut-être les concepts se sont-ils embrouillés dans l’esprit de B.

 

Mais le Père Héris, comme le font surtout les négateurs de la sacramentalité de l’épiscopat, parle justement de ce “pouvoir de régence sur le corps mystique” que l’évêque reçoit dans le sacre : cela fait bien partie de l’essence de l’épiscopat ! Voilà ce qui impressionne B. (16)!

 

Il oublie, nous l’avons vu, les précisions que le même P. Héris donne à ce sujet. “Il est aisé de comprendre pourquoi l’on divise d’ordinaire le pouvoir de régence de l’évêque en pouvoir d’ordre et en pouvoir de juridiction”. Ce qui vient de la consécration et, éventuellement, fait partie de l’essence de l’épiscopat, est la régence sur le corps mystique quant au pouvoir d’ordre, et pas du tout quant au pouvoir de juridiction : “[la régence quant au] pouvoir d’ordre vient à l’évêque à la fois de son caractère sacerdotal et de sa consécration épiscopale : c’est un pouvoir hiérarchique qui l’établit chef du culte chrétien et lui donne le droit de régir sacramentellement les membres de ce culte” (p. 40, § 3). “Car - poursuit le P. Héris, pourtant cité par B. - autre chose d’enseigner, de légiférer, de juger le peuple chrétien ; et autre chose d’avoir prise sur la constitution même du culte divin et sur les fonctions essentielles du culte. Le premier rôle provient du pouvoir de juridiction (...). Le second rôle fait appel à un pouvoir hiérarchique conféré par voie de consécration, et intimement lié à cette autre consécration qu’est le caractère sacerdotal” (p. 40, § 4) (17). Puisque le pouvoir de juridiction est réellement distinct de celui d’ordre il est normal que la régence qui vient de l’un soit réellement distincte de celle qui vient de l’autre ; elles viennent de causes distinctes (le Pape, pour la régence de juridiction, Dieu - par la consécration -, pour la régence d’ordre): donc celle de juridiction ne peut pas venir de celle d’ordre, comme B. semble le croire, bien que normalement elles soient faites pour coexister dans le même sujet.

 

B) L’accident propre de l’épiscopat.

 

Revenons au P. Zapelena. Il écrivait : “L’essence de l’épiscopat réside dans le pouvoir d’ordre, autrement dit dans la plénitude du sacerdoce, et de là dérive la disposition prochaine et l’exigence de la juridiction épiscopale. La juridiction actuelle réalise cette exigence et perfectionne ainsi l’épiscopat”. En bonne philosophie, si je ne me trompe, quelque chose qui dérive de l’essence, est un accident propre ou essentiel. Il vient compléter l’essence ab intrinseco, de l’intrinsèque, c’est-à-dire de cette cause intrinsèque à l’étant qu’est l’essence. La “disposition prochaine et l’exigence de la juridiction”: voilà donc le complément intrinsèque, venant de la consécration épiscopale même, de l’essence de l’épiscopat. Cette disposition, cette quasi-exigence (nous verrons pourquoi, à la suite de Zapelena, j’écris “quasi-exigence”) existent toujours chez l’évêque consacré. B. a-t-il donc raison ? Mais non !

 

Pour lui, le complément intrinsèque c’est... la juridiction actuelle ! Mais... complément intrinsèque de quoi ? De la régence sur le corps mystique ? De la disposition prochaine et de l’exigence de la juridiction (actuelle)? Peut-être (faute de précisions) de l’une et de l’autre. Une exigence ne nécessite- t-elle pas la chose exigée ? Puisque le sacre donne l’exigence, il donne aussi la réalisation de cette exigence, la juridiction actuelle, d’où, s’il n’y a pas de mandat apostolique, usurpation de juridiction dans l’Église, abîme infranchissable, schisme attenté, etc. Quod erat demonstrandum.

 

Malheureusement pour la thèse de B. (même revue et corrigée), il reste que son ancienne thèse demeure fausse ; lui-même l’avoue : “la juridiction en est distincte [du pouvoir de régence] et ne peut venir que du Pape” (p. 41, § 2). B. admet son erreur précédente, mais on dirait qu’il en reste les traces (reliquias peccati !) dans sa mentalité et dans son raisonnement ; c’est pourquoi sa thèse, même revue et corrigée, souffre du même défaut et de la même incompréhension de fond. Cela lui empêche d’éviter une nouvelle imprécision, source de grandes erreurs (error parvus in principio fit magnus in termino).

 

L’erreur, la voici : pour B. la juridiction est un complément intrinsèque du pouvoir de régence (probablement par l’intermédiaire de l’exigence à la juridiction). Or, un complément intrinsèque doit venir d’un cause intrinsèque, c’est-à-dire de l’essence : nous l’avons vu. [Il me semble comprendre en effet que pour B. La juridiction n’est plus (c’est entendu) l’essence de l’épiscopat, mais c’est un accident propre ou essentiel, qui dérive de l’essence]. Cette thèse serait vraie à deux conditions :

 

1) que la juridiction actuelle vienne à l’évêque de la même cause intrinsèque, essentielle, de l’épiscopat, c’est-à-dire la consécration épiscopale.

 

2) que la juridiction actuelle exigée par la disposition prochaine reçue dans le sacre arrive toujours, nécessairement et seulement à l’évêque qui a reçu le sacre (au moins en acte premier éloigné).

 

Or, il n’en est rien.

 

Ad 1) B. semble avoir oublié que la juridiction (actuelle) vient à l’évêque par un acte de juridiction du Pape (per legitimam missionem). C’est ce qu’il niait, mais qu’il admet maintenant. Si cela est vrai, la juridiction ne peut pas être, à mon avis, un complément intrinsèque du sacre épiscopal et des pouvoirs qu’il confère, puisqu’elle vient d’une cause (le Pape) tout à fait étrangère extrinsèque de l’essence de l’épiscopat, totalement distincte de cette essence. La juridiction ne peut être un complément intrinsèque de la régence qui vient de la consécration, si elle-même vient d’une cause extrinsèque à la consécration, c’est-à-dire d’un acte de juridiction du Pape ! Le P. Héris lui-même, pour citer la seule autorité invoquée par B. (sauf 5 lignes incorrectes de l’abbé Berto), l’affirme : “...c’est au Pape, et à lui seul qu’il appartient de conférer à l’évêque le pouvoir de juridiction. Ce pouvoir n’est pas en dépendance essentiel du pouvoir hiérarchique [il parle de la hiérarchie d’ordre]...” (p. 40, § 4). La juridiction ne dépend pas essentiellement de la régence, le P. Héris dixit. Ce n’est donc même pas un accident propre ou essentiel, mais un accident contingent (bien que très particulier) qui peut exister et ne pas exister. C’est ce que nous allons prouver au point 2.

 

Ad 2) Reprenons la citation du P. Héris où nous l’avions interrompue : “...Ce pouvoir n’est pas en dépendance du hiérarchique : l’évêque le possède dès qu’il est institué par l’autorité suprême à la tête d’un diocèse et avant même d’être consacré ; il le perd même après la consécration...” (p. 40, § 4).

 

En d’autres termes, la juridiction ne peut être essentielle à la consécration épiscopale, et ne peut même pas découler nécessairement de cette consécration comme une stricte exigence, puisque, dans ce cas :

 

a) tous les évêques consacrés devraient avoir la juridiction

b) seuls les évêques consacrés devraient avoir la juridiction

 

Or, ni a) ni b) ne sont vraies. (Quoi qu’en dise l’abbé Berto cité par B., p. 41, § 3).

 

Le P. Héris vient de le dire. Le cardinal Billot le détaille (18). Billot nie que “le ‘caractère’ épiscopal puisse inclure formellement l’autorité de gouverner”. Cela est, écrit-il, “soit parce que en dehors de l’Église catholique il y a de vrais évêques quant au pouvoir d’ordre, bien que en dehors de l’Église on ne puisse avoir aucune vraie autorité de gouvernement ; soit aussi parce que même dans [l’Église] catholique, on a toujours considéré comme de vrais évêques des évêques déposés ou démissionnaires, de même que les évêques consacrés ad honores, ou aussi les évêques coadjuteurs ou vicaires in pontificalibus (19). En note, le cardinal Billot fait allusion à ces évêques consacrés ad honores, en citant Sozomène (20): en Syrie, aux temps de St Ephrem, les moines Barses et Eulogius furent, dans leur monastère, consacrés évêques “non pas d’une ville, mais seulement honoris causa, pour leur rendre honneur, pour récompenser leurs grandes œuvres”. Dans ce cas on est on ne peut plus loin de réaliser cette exigence (il faut donc dire plutôt ‘quasi-exigence’) de juridiction ! Plus brièvement, le P. F. Solà écrit : “...nous faisons abstraction du pouvoir de juridiction qui ne suit pas nécessairement la consécration, comme cela est dans le cas des évêques non résidentiels” (21). Quelque chose qui ne suit pas nécessairement une autre n’est ni l’essence de cette chose, ni son accident essentiel : c’est un accident contingent. Un prélat peut jouir de la juridiction sans avoir reçu la consécration épiscopale ; un évêque peut avoir été sacré licitement sans avoir reçu une juridiction : la juridiction n’est donc pas un complément intrinsèque du sacre et de ses pouvoirs.

 

Qu’est donc cette “exigence de la juridiction” que donne le sacre ?

Après ce que je viens de dire, on peut se demander quelle est la valeur de cette exigence de la juridiction que donne le sacre, si l’on peut recevoir la juridiction sans le sacre et si l’on peut être sacré sans avoir de juridiction. “Régulièrement on ne peut pas exercer les pouvoirs de la hiérarchie de juridiction sans appartenir à celle d’ordre, puisque la juridiction doit se superposer à l’ordination. Mais il n’en est pas moins vrai que si quelqu’un est élu à l’épiscopat ou au Souverain Pontificat, il peut exercer le pouvoir de juridiction avant de recevoir la consécration (22). Nous avons vu cela. A quoi bon, alors, la consécration ?

 

Adressons-nous, encore, au cardinal Billot (lieu cité): “il nous reste à dire que le degré épiscopal a été choisi par droit divin pour exercer le pouvoir ordinaire de gouvernement (...) et que de cette façon la supériorité des évêques sur les prêtres quant à la juridiction découle de l’institution du Christ : dans la mesure, c’est-à-dire, dans la mesure où l’Église n’est pas gouvernée par les prêtres mais par les évêques” (cf. Conc. de Trente, sess. XXIII, c. 4). Ce n’est pas chaque sacre qui implique une juridiction, c’est vrai ; “il ne répugne pas [ce n’est pas contradictoire] qu’il y ait un vrai évêque sans juridiction, mais le degré épiscopal en général exige l’autorité de gouvernement dans les deux fors et, réciproquement, cette autorité de gouvernement ne doit résider, per se, que dans le degré épiscopal”. (p. 290 de Billot). En cela, dit encore Billot, l’exigence de droit divin de la juridiction dans le prêtre pour confesser n’est pas à comparer avec l’exigence de juridiction qu’a l’évêque en général, puisqu’elle concerne une juridiction seulement au for interne qui peut être aussi déléguée, tandis que celle de l’évêque est ordinaire et embrasse for interne et for externe (cf. p. 293).

 

Voilà la part de vérité qu’il y a dans la thèse de B.: une partie considérable, certes, mais pas suffisante afin que sa thèse soit vraie et qu’il puisse tirer les conséquences terribles qu’il tire effectivement.

 

Questions mineures...

Eusèbe de Samosate : à chacun son arsenal

 

Dans mon écrit je donnais des exemples d’évêques légitimement consacrés, dans des cas extraordinaires, sans l’approbation du Pape (jamais contre la volonté du Pape). B. répond par un solennel JAMAIS (p. 41, § 5). Et il se limite à manifester une objection contre le célèbre exemple de St Eusèbe de Samosate, c’est-à-dire : à chacun son arsenal.

 

Peut-être un peu agacé d’avoir été mis en compagnie des libéraux et des gallicans, B. n’a pas résisté à la tentation de me retourner l’accusation, sous le prétexte d’avoir parlé du cas de St Eusèbe de Samosate : “Nous regrettons beaucoup que M. L’Abbé Ricossa s’y réfère, parce que cette histoire, avec quelques autres comme celle d’Honorius ou comme celle d’une prétendue chute du Pape Libère, fait partie d’un arsenal utilisé par les ennemis de la doctrine catholique (gallicans, anti-concordataires, anti-infaillibilistes...) recyclé à usage des ‘traditionalistes’ depuis vingt-cinq ans. Il est déplorable d’aller puiser dans un tel arsenal...” (p. 41, § 5).

 

Avant tout, je m’oppose à l’amalgame tenté insidieusement par B.: Sodalitium a plusieurs fois, même récemment, attaqué ceux qui se servent des histoires d’Honorius et de Libère, sur les traces des gallicans & Cie. Mais qu’a à voir le cas de St Eusèbe ? Quand je l’ai cité, je l’ai fait en me basant sur un auteur anti-gallican comme le P. Montrouzier (B. l’a-t-il oublié ?) et j’ai clairement distingué les différentes conclusions que le courant gallican et le courant “ultramontain” déduisaient de ce fait historique. De fait... B. Voudrait pouvoir trouver un auteur sûr pour détruire l’histoire d’Eusèbe : “Dom Guéranger avait en son temps fait justice des calomnies contre Libère ou des exagérations déformantes de la faute d’Honorius. Nous n’avons pas le souvenir qu’il ait traité de saint Eusèbe de Samosate...” (p. 41, § 6). B. appelle au secours Dom Guéranger... mais le célèbre abbé de Solesmes ne répond pas... En l’occurrence ici il s’accroche au premier qui passe, c’est pourquoi, si Solesmes se tait, on écoute Chémeré ! “Nous n’avons pas le souvenir qu’il [Dom Guéranger] ait traité de saint Eusèbe de Samosate, mais on trouvera ce cas bien exposé et analysé dans deux articles du frère A.M. Lenoir, articles parus dans les nn. 22 et 23 de Sedes Sapientiæ” (p. 41, § 6, et p. 42, § 1). Personne ne met en doute la compétence scientifique des frères de Chémeré... Mais il est curieux que l’on nous accuse de puiser dans l’arsenal des ennemis de la doctrine catholique quand B. lui-même puise dans l’arsenal d’autres ennemis de la doctrine catholique que sont désormais, incontestablement les frères de Chémeré fondés... par le Père de Blignières (encore lui !). Certes, les nn. 22 et 23 de Sedes Sapientiæ, datent respectivement, de l’automne 1987 et de l’hiver 1988, c’est-à-dire avant l’imminente “apostasie” de Chémeré. Mais, on le sait, nemo repente fit pessimus. Tout en admettant, ce qui n’est pas prouvé, que le Fr. Lenoir ait démontré sa thèse, reste le fait que les auteurs catholiques n’ont pas contesté la véridicité du cas en question, et ont admis, à des conditions bien précises, et pour des motifs différents de ceux invoqués par les gallicans, la possibilité d’une action extraordinaire de l’épiscopat.

 

Je me réserve de mieux étudier la question pour apporter le plus d’exemples possibles de consécrations licites sans mandat romain, afin d’arriver, si Dieu veut, à faire retirer à B. son “jamais” par trop solennel... A bientôt, donc...

 

Le schisme

 

Un abîme infranchissable, dernier paragraphe : B. explique à R. pourquoi il n’a pas utilisé le terme schisme pour la thèse favorable aux consécrations épiscopales. Puisque R. suit aussi la thèse de Cassiciacum, il comprenait de lui-même que B. ne peut déclarer personne formellement schismatique. R. Soulignait seulement que les accusations de B. à la ‘voie épiscopale’ poussaient à considérer cette voie comme schismatique. B. l’admet maintenant volontiers. Dommage qu’il ne réponde rien à ce que j’ai écrit à propos des canons 2370 et 2372 du code de droit canonique... Sera-ce l’occasion d’un prochain article ?

 

Conclusion

En écrivant cette conclusion (provisoire) je déclare que je garde intacte toute mon estime pour B. ; la question est difficile et, il est vrai, peu étudiée encore par les théologiens. Je suis prêt à rétracter toute erreur qui aurait pu m’échapper. Je tiens aussi à adresser une pensée reconnaissante à Mgr M.-L. Guérard des Lauriers o.p.: sans ses études sur la situation actuelle de l’autorité dans l’Église et sur la transmission de l’épiscopat en période de privation d’autorité, jamais je n’aurais rien compris de ces questions difficiles...

 Notes et références

1) ABBÉ HERVÉ BELMONT, Les filles de Lot, in Les deux étendards, n° 3, p. 23, § 4-5.

2) Admettre une erreur est difficile à tout le monde, s’accuser soi-même répugne sans doute à la nature humaine telle qu’elle est. Nous comprenons très bien la dérobade de B.; mais nous ne pouvons pas comprendre son insistance sur des conclusions erronées qui ont de graves conséquences.

3) B., comme R., est notoirement un peu taquin, ce qui, à dire vrai, ne gâte rien.

4) En effet, nous n’avons pas accusé B. (“et son exposé”) d’être “marqué par le gallicanisme et [d’]issu de l’enseignement de Vatican II”. Nous avons seulement constaté la concordance, sur ce point précis, entre la thèse de B. (maintenant reniée) et celle des gallicans et de Vatican II. Nous avons cependant plusieurs fois exclu une dépendance culturelle de B. du gallicanisme et de Vatican II. L’unique influence mauvaise dont nous avons émis l’hypothèse est celle du P. De Blignières, à laquelle B. fait allusion (p. 38, § 1), pour la démentir plus ou moins. Très bien. Si ce n’était qu’ensuite, dans le titre de sa réponse, il utilise un terme qu’il tire explicitement du P. de Blignières (“épiscopat autonome”). A bon entendeur, salut...

5) Pour la question soulevée ici par B., voir par ex. I. Salaverri, Sacræ Theologiæ Summa, B.A.C., Madrid

1962, I, thèse 32.

6) Remarquons que sur le point de vue prudentiel B. ne répond pas le moins du monde à nos observations.

7) Je regrette l’accent un peu polémique de l’expression, mais c’est la seule qui décrive la réalité : puisque la thèse de B. a été réfutée, il a abandonné la position précédente pour se retirer, en reculant, sur une autre tranchée, qu’il espère plus sûre que la précédente...

8) Dans Digitus Dei (note 12), j’ai déjà fait allusion au débat sur la sacramentalité de l’épiscopat. On dirait que B. y attribue une grande importance pour la solution de notre question. J’ai déjà dit qu’en réalité cette question n’est pas décisive pour notre débat. Le P. Laynez le reconnaissait déjà au Concile de Trente, dans son célèbre discours sur l’origine de la juridiction épiscopale. Il est difficile, toutefois, de suivre B. (et même Mgr Guérard des Lauriers) dans la négation de la sacramentalité de l’épiscopat, après la Constitution apostolique Sacramentum ordinis du Pape Pie XII. Tous les auteurs thomistes cités par B. opposés à la sacramentalité de l’épiscopat, le P. Héris aussi, ont écrit avant 1947, c’est-à-dire avant la Constitution de Pie XII qui ne suit pas deux opinions de St Thomas : celle sur la sacramentalité de l’épiscopat (cf. suppl. q. 40, a. 5), et celle sur la matière et la forme du sacrement de l’ordre (suppl. q. 34, aa. 4-5). Les thomistes qui ont écrit après, se sont rangés à l’opinion favorable à la sacramentalité (qui était déjà l’opinion de St Alphonse et de beaucoup d’autres docteurs). Le grand et célèbre P. Ramirez o.p., critiqué par le P. Centi o.p., en est même arrivé à soutenir que St Thomas a toujours cru à la sacramentalité de l’épiscopat (cf. La Somma Teologica, éditée par des Pères dominicains italiens, vol. XXX, pp. 207 ss). Parmi ceux qui soutiennent la sacramentalité de l’épiscopat, certains maintiennent le principe thomiste (le sacrement est ordonné essentiellement à l’eucharistie), d’autres le nient.

9) De nouveau, puisque je l’avais déjà suffisamment exposé dans Digitus Dei non est hic à la note 48.

10) B. rappelle (p. 37, § 4) que la hiérarchie de l’Église est unique (je l’avais rappelé moi aussi à la suite du P. Guérard des Lauriers); ce qui n’empêche pas que cette unité est faite par l’évêque qui unit en sa personne les deux raisons, ordre et juridiction, qui autrement sont spécifiquement différentes, distinctes, séparables et, parfois, séparées dans différents sujets de la hiérarchie d’ordre ou de juridiction (Cf. Sodalitium n° 28 pp. 3-7).

11) Ce pouvoir de régence quant au pouvoir d’ordre, écrit le P. Héris (p. 40, § 3) “vient à l’évêque à la fois de son caractère sacerdotal et de sa consécration épiscopale”; donc, même si seulement en partie, il est commun avec de simples prêtres qui ont le caractère sacerdotal, et qui en fait sont au second degré de la hiérarchie d’ordre ! Dans l’évêque, cette régence, poursuit le P. Héris, “l’établit chef du culte chrétien et lui donne droit de régir sacramentellement les membres de ce culte”. C’est ce que B., à un niveau certainement inférieur à celui de l’évêque, fait dans sa chapelle de Saint-Maixant, où sans doute, en l’absence d’évêque, il a une certaine régence sacramentelle, si elle n’est pas même royale et princière sur les fidèles qui participent au culte.

12) B. écrit en italique le mot “intrinsèque”. C’est, pour lui, le nœud de l’argumentation. On le voit quand, citant le P. Héris à propos de la juridiction nécessaire pour confesser, B. souligne le mot “extrinsèque” dans la proposition du P. Héris qui dit : “la juridiction lui est extrinsèque, elle est seulement une condition absolument requise” (p. 38, note 5). Mais le P. Héris ne dit nulle part que la juridiction (actuelle) de l’évêque est un complément “intrinsèque”: ceci est une affirmation de B.

13) Digitus Dei, note 14.

14) Même apostat, hérétique, schismatique, excommunié, dégradé, l’évêque consacré garde les pouvoir d’ordonner et confirmer. Cela, de toute évidence, ne concerne pas la juridiction, qui peut lui être enlevée. Le simple prêtre, lui, peut recevoir du Pape le pouvoir de confirmer (et, pour certains, même d’ordonner ! C’est en tout cas certain pour les ordres mineurs) mais d’une façon passagère : ce pouvoir peut lui être retiré.

15) Ainsi Billuart, Garrigou Lagrange, Merkelbach (III, 731). B. utilise cette expression dans Les filles de Lot, p. 19, III.

16) Déjà dans Les filles de Lot (p. 19, III, § 6) où il reprend, je crois, ce qu’écrit le P. Gerlaud o.p. dans la Revue des jeunes, et maintenant dans Un abîme..., dans l’énonciation de sa thèse, p. 41, § 2.

17) Voir la note 11. Pour le rite de l’ordination, il appartient (aussi) au simple prêtre præesse, de présider, pour tout ce qui concerne le culte.

18) Bien qu’il tienne, lui aussi, pour la non-sacramentalité de l’épiscopat.

19) LUDOVICUS CARD. BILLOT, De Ecclesiæ sacramentis, tomus posterior. Q. XL suppl.: de episcopatu. Thèse 32, § 1, éd. VIII de 1947, p. 292.

20) Hist. eccl. l. 6, c. 34.

21) F. SOLÀ, Sacræ Thelogiæ Summa, t. IV de sacramentis, De Ordine et matrimonio, l. 1, th. 2, n° 20. Solà nie carrément la sacramentalité de l’épiscopat, de même que l’argument thomiste selon lequel le sacrement de l’ordre est essentiellement ordonné à l’Eucharistie. Pie XII dans Sacramentum ordinis définit ainsi le sacrement de l’ordre : “c’est un sacrement institué par Notre-Seigneur par lequel on donne le pouvoir spirituel et est conférée la grâce pour accomplir dignement les tâches ecclésiastiques” [A.A.S., 40, (1948), p. 5].

22) ANTONIO PIOLANTI (édité par), I sacramenti, Città del Vaticano 1959, p. 664, n° 15.

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